1 Introduction

Dans un contexte européen de recherche du “bon état” des masses d’eau, les systèmes naturels à forte capacité épuratoire, dont la “zone humide” constitue l’allégorie, sont mis en avant par les politiques visant la réduction des apports azotés à la côte. Ainsi, les lagunes et autres écosystèmes d’interfaces terre-mer font l’objet d’un intérêt nouveau ; revirement paradigmatique dans la mesure où, jusqu’au 20e siècle, ces espaces étaient considérés comme insalubres et nuisibles quand ils sont aujourd’hui l’objet, outre d’un intérêt écologique, d’un intérêt sanitaire.

Cette attention nouvelle portée aux zones humides est à mettre en relation avec l’accroissement des connaissances concernant les processus écologiques de ces systèmes ainsi qu’à l’émergence puis la popularisation, à partir des années 70, du concept de « service écosystémique ». Ainsi, des milieux naturels qui n’avaient d’attrait que pour les naturalistes et les scientifiques ont fini par gagner une attention particulière de la part des politiques environnementales, y voyant des outils nouveaux et prêts à l’emploi.

En Bretagne, où les marées vertes font débat depuis plus de quarante ans, ces écosystèmes ont rapidement fait l’objet de mesures de gestion dans l’objectif de maximiser leur efficacité épuratoire naturelle. Sur le littoral, la référence dans ce domaine est le marais de Kervigen — en baie de Douarnenez — où un cours d’eau a été dérivé dans la roselière adjacente afin d’accentuer l’abattement d’azote (Piriou et al., 1999). Dans la même étude que celle consacrée au marais de Kervigen, le marais du Curnic a été identifié comme un site à fort pouvoir épurateur. L’ensemble des études effectuées depuis semblent confirmer cette première analyse.

Cette épuration est cependant souvent corrélée avec un syndrome caractéristique des milieux subissant une pression azotée importante ou un dérèglement trophique : l’eutrophisation. Ce syndrome, régulièrement observé dans les milieux côtiers bretons et responsables des échouages d’ulves a pour aboutissement une perte drastique de la biodiversité associée à une recomposition spécifique du système touché.
Dans ce cadre, les gestionnaires d’espace naturel côtiers bretons sont régulièrement amenés à faire face à ce phénomène. Les outils de gestion restent cependant limités attendu que le remède le plus efficace dans le traitement de ce syndrome est la diminution des apports en nutriments sur les terres du bassin versant, soit, en dehors du champ d’action desdits gestionnaires.

L’étang du Curnic ne fait pas exception, à l’exutoire d’un bassin versant à forte emprise agricole, il enregistre des blooms phytoplanctoniques — symptôme d’un trouble dystrophique — entre le printemps et l’automne.
Dans ce contexte, la thématique centrale du stage est d’adresser la problématique de l’eutrophisation dans le système lagunaire de l’étang du Curnic en proposant des modalités de gestion appropriées fondées sur une compréhension accrue de son fonctionnement global.

1.1 Contexte de l’étude

Le présent rapport s’inscrit dans le cadre d’un projet intitulé « étude globale de l’étang lagunaire du Curnic en vue de renforcer ses capacités épuratoire et d’accueil de la biodiversité remarquable » porté par la mairie de Guissény dans le cadre d’un appel à initiative lancé en 2020 par l’agence de l’eau Loire-Bretagne. L’objectif général présenté dans la note d’intention répondant à cet appel consiste dans « l’établissement d’un programme d’action pour améliorer la qualité des eaux circulant dans l’étang et dans la favorisation de la biodiversité associée à l’étang ». Les objectifs spécifiques sont détaillés ci-dessous :

  • Mieux comprendre et quantifier le phénomène épuratoire (dénitrification) dans l’étang et les roselières
  • Évaluer la faisabilité et l’intérêt d’augmenter cette épuration grâce notamment à une circulation de l’eau au travers d’anciens bassins piscicoles au sein des roselières 
  • Préciser et chiffrer les aménagements et les modes de gestion favorables aux espèces patrimoniales
  • Évaluer les convergences ou divergences entre les différents enjeux et définir des scénarios d’aménagement.

Ce projet est en lien avec les politiques présentes sur le site telles que la politique Natura 2000 concernant prioritairement la biodiversité remarquable et la directive cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) visant le bon état écologique et à la préservation des écosystèmes marins. Ainsi, ce projet peut être associé aux objectifs suivants du DOCOB de 2002 :

Objectifs généraux :

  • I - Maintenir ou améliorer les surfaces et l’état de conservation des habitats naturels d’intérêt communautaire ainsi que des habitats d’espèces.
  • III - Améliorer et gérer le fonctionnement de l’hydrosystème

Objectifs opérationnels :

  • B. Vers le maintien des habitats d’espèces d’intérêt communautaire
    • B4 - Maintenir les habitats fonctionnels du Phragmite aquatique
    • B5 - Restaurer les habitats fonctionnels de la Loutre d’Europe pour favoriser son retour
  • F. Vers des actions à l’échelle des bassins versants
    • F1 - Restaurer la qualité des eaux douces pénétrant dans l’estran pour enrayer la prolifération des ulves.
    • F2 - Maintenir les zones humides et gérer l’hydrosystème du marais du Curnic
    • F3 - Maintenir la digue du Curnic en bon état

Dans ce cadre, l’objectif du stage se fond dans celui du projet : une compréhension accrue du système lagunaire du Curnic pour une gestion appropriée de la problématique d’eutrophisation.

References

Piriou, J.-Y., Coic, D., Merceron, M., 1999. Abattement de l’azote par le marais côtier de Kervigen et potentiel breton. Pollutions diffuses: du bassin versant au littoral, Saint-Brieuc, Ploufragan (France),23-24 Sep 1999.